Le doublement du taux d’intérêt légal : une sanction trop peu ou mal appliquée.

C’est une sanction à l’encontre des assureurs qui revêt un intérêt tout particulier pour les victimes d’accident de la route puisqu’elle garantit l’application des dispositions de la loi Badinter.


Pour comprendre l’intérêt de cette sanction pour les victimes, il faut rappeler que la Loi du 4 juillet 1985, dite Loi Badinter, a été créée afin de protéger les victimes d’accident de la route. Cette loi leur garantit (sous réserve de certaines conditions) une indemnisation encadrée de leurs préjudices, quasi systématique et la plus rapide possible.

Dans cette perspective, les délais suivants sont imposés aux assureurs (article L211-9 du code des assurances) :

Par ailleurs, au delà de la tardiveté ou de l’absence d’offre, cette dernière ne doit pas être dérisoire.

Pour permettre une application effective de ces délais, un système coercitif a été mis en place à l’égard des assureurs : le doublement du taux d’intérêt légal régit par l’article L211-13 du code des assurances.

C’est à ce sujet et plus particulièrement celui de savoir sur quel assureur repose cette sanction que la 2e chambre civile de la Cour de Cassation s’est prononcée le 6 octobre 2022 (n°21.16060).

Dans cette affaire, plusieurs véhicules étaient impliqués dans l’accident. La victime, passagère d’un véhicule accidenté devait donc être directement indemnisée par l’assureur du conducteur dudit véhicule.

Les assureurs des conducteurs des autres véhicules responsables quant à eux, étaient tenus à contribuer à la dette.

En l’occurrence, l’assureur tenu d’indemniser directement la victime passagère, n’avait pas respecté le délai imposé par les textes pour la présentation de l’offre d’indemnisation.

Or, la Cour d’appel, faisant une application extensive du principe de contribution à la dette, avait condamné tous les assureurs au doublement des intérêts au taux légal à parts viriles.

La Cour de Cassation a tout d’abord rappelé les principes précités :

« l’assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l’intérêt légal, à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.« 

Puis, pour infirmer l’arrêt rendu par la Cour d’appel, la Cour de Cassation a précisé :

« En statuant ainsi, alors que la sanction du doublement du taux de l’intérêt légal, qui a un objet distinct de la condamnation à réparer les conséquences dommageables du sinistre, avait été prononcée notamment contre la société GMF en raison du non-respect de son obligation propre de présenter une offre dans les délais légaux, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

La Cour de Cassation rappelle ainsi qu’il convient d’opérer une distinction. La contribution à la dette entre assureur ne concernant que le montant de l’indemnisation et non le doublement du taux d’intérêt légal, sanction qui ne doit s’appliquer qu’à l’assureur n’ayant pas respecté l’obligation de présenter une offre dans le délai.

Dans le cadre de cette affaire, un autre sujet avait précédemment fait débat et avait été tranché. Il s’agissait de l’assiette servant de base au calcul du doublement des intérêts. La question de savoir quand une offre est dérisoire ou incomplète revient également très régulièrement.

Sur ce sujet du doublement du taux d’intérêt légal, l’avocat en réparation du dommage corporel défendant les victimes d’accident de la circulation a un rôle primordial : celui de systématiquement demander la condamnation des assureurs à cette sanction pour garantir tant l’application uniforme de ce principe par toutes les juridictions que l’effectivité de la loi Badinter.